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Comment débuter aux Emirats Arabes Unis ?

Qui de mieux pour nous parler des Emirats Arabes Unis que Patrice Brunet, avocat spécialiste au service des francophones souhaitant s’installer et se développer à Dubaï ? Nous avions quelques questions à lui poser sur cette région du globe fascinante pour le monde des affaires.

Quelles sont les étapes qui vous ont amené à vous implanter avec votre cabinet d’avocats à Dubaï ?

Je suis membre du Barreau du Québec depuis 1992. J’ai géré mon cabinet d’avocats comportant une quinzaine d’employés jusqu’en 2011, lorsqu’un client m’a offert de gérer une acquisition internationale à partir de Dubaï. Je suis un étrange hybride avocat/entrepreneur. J’ai également une accréditation d’arbitre en sport international pour décider de litiges impliquant des athlètes olympiques. Finalement, je détiens les certifications C. Dir. (Chartered Director) et ASC (Administrateur de Sociétés Certifié), ce qui me permet de m’afficher comme expert en gouvernance de sociétés.

Dubaï est un centre financier mais aussi un centre commercial international, c’est souvent comparé à la Suisse du Moyen-Orient. À ne pas confondre avec l’Arabie Saoudite, les femmes ici ont le droit de conduire et de s’habiller normalement. S’il s’agit d’une place familière pour les Britanniques, les Allemands, les Sud-Africains et les Australiens, les francophones sont peu nombreux, et il y avait une demande spécifique de ceux-ci pour être accompagnés ici.

Pourquoi les francophones, et particulièrement les Québécois, ne sont pas très présents ?

Les Britanniques ont une longue histoire avec le Moyen-Orient – le commerce international est aussi programmé dans leur ADN. Mais il y a des raisons géographiques également. Le Québec est à 15 heures d’avion, ce qui n’est pas négligeable. Aussi, 80 % du commerce canadien est réalisé avec les Etats-Unis. Cela peut se comprendre, c’est un marché de proximité naturel. Ce qui n’empêche pas que le Québec a très bonne réputation ici, la rigueur de notre travail est appréciée. Une entreprise québécoise qui se distingue ici, c’est SNC Lavallin.

Sinon, on a vu depuis deux ans l’implantation de douzaines de restaurants Tim Hortons, mais c’est vrai que le Canada se montre discret, presque silencieux ici. Or, les choses changent. Il y a quelques mois, le Cirque Eloize et Cavalia ont présenté des spectacles, qui ont connu beaucoup de succès.

Dans quels secteurs selon vous les Québécois gagneraient à explorer aux Emirats Arabes Unis ?

Les Québécois sont excellents en génie-conseil, mais aussi dans une multitude d’autres secteurs.

L’économie québécoise est diversifiée et le Québec est leader dans une multitude de domaines. Aussi, à Dubaï, on retrouve toutes les industries et chacune est implantée dans un grappe industrielle qui occupe une partie de la ville. Par exemple, dans le pharmaceutique, les entreprises s’installent dans Health City. Chaque grappe est implantée dans une zone franche, ce qui est très intéressant. D’ailleurs, il y a un mythe à déboulonner. Pour les entreprises étrangères, il n’est pas toujours nécessaire que les Émiratis possèdent 51 % de l’entreprise. Dans une zone franche (Free Zone), les compagnies peuvent être détenues à 100 % par des intérêts étrangers. Or les zones franches sont nombreuses ici et réparties sur les sept Émirats.

Les zones franches sont un avantage notable pour s’implanter. Quels sont les autres avantages
des Emirats ?

Les plus important me semble l’absence d’impôts. Mais il y a des taxes. Il ne faut pas confondre ces deux aspects. Un impôt est une part des profits qui est versée à l’État. Aux Émirats Arabes Unis, ce concept n’existe pas. Il n’y a pas de « Ministère du Revenu ». Par contre, il faut payer pour commercer ici via l’achat d’une licence d’affaires, que l’on doit renouveler à chaque année. Pour les PME, elle est d’environ 8000 $ CA. Il n’y a pas non plus de taxe de vente dans le commerce au détail. D’autres coûts sont aussi à envisager. Le système scolaire n’est par exemple pas subventionné pour les expatriés, lorsque l’on s’installe ici, et le système de santé est entièrement privé. Mais si vous roulez beaucoup, l’essence est de seulement 45 sous le litre….cela compense.

Comment qualifieriez-vous l’environnement d’affaires ici ?

L’environnement d’affaires est très différent du Canada et du Québec. Ici, 85 % de la population vient d’ailleurs, donc chacun apporte sa culture d’affaires ; c’est donc une mosaïque, mais la plupart des gens parlent anglais, les gens communiquent donc ensemble aisément. Les infrastructures sont très solides. On retrouve des repères semblables qu’au Canada : il ne faut pas se tromper, on est en pays moderne. En matière de droit, tout est très neuf, il y a seulement une cinquantaine de lois qui régissent le pays. Il n’y a notamment pas de lois sur les faillites. Si l’entreprise est en difficulté financière, il faut donc négocier des solutions, sinon, le risque de passer par la case prison est bien réel. En cas de litige commercial, y a un système d’arbitrage , dans lequel les entreprises peuvent être entendues devant une chambre d’arbitrage. Ce système est géré selon un modèle d’arbitrage britannique, par des arbitres réputés, et il a déjà une excellente cote de crédibilité pour son efficacité et la justesse de ses décisions.

Quelles sont les principales requêtes d’entreprises québécoises concernant les Emirats Arabes Unis ?

J’ai beaucoup de demandes d’entreprises québécoises curieuses. Il y a de nombreuses compagnies canadiennes qui font affaire avec les EAU, ou généralement dans un des pays du Golfe, sans s’implanter. C’est une erreur selon moi. Car cela va limiter le développement de la compagnie, alors que le succès peut se profiler vite dans cette région. Le niveau de confiance ne sera pas aussi élevé que s’ils s’implantent. Cela peut être une société virtuelle, mais il faut une adresse, et une structure sur place. Les clients préfèrent toujours faire affaire avec un fournisseur local, plutôt qu’étranger.

Est-ce que les démarches sont compliquées pour obtenir un visa de travail aux EAU ?

Dans un premier temps, pour avoir un visa de travail (résidence), il faut une société qui parraine le travailleur. Donc le visa est lié à l’employeur. La procédure est hautement prévisible et administrative, donc efficace. Les délais de traitement sont d’environ deux semaines. Pour les touristes d’affaires, il suffit d’entrer au pays avec son passeport canadien pour avoir le droit d’y demeurer jusqu’à 30 jours.

L’incorporation d’une compagnie simple peut se faire en quelques semaines, suite à quoi on ouvre un compte bancaire et on peut commencer à opérer. Il faut faire assermenter les documents corporatifs à l’ambassade des Emirats Arabes Unis d’Ottawa au préalable, si la compagnie locale est détenue par une compagnie canadienne.

Quel conseils donneriez-vous à une entreprise québécoise qui souhaiterait s’implanter ici ?

Dubaï est une plaque tournante commerciale internationale, mais il ne faut pas voir cette ville comme une fin en soi. Plusieurs entreprises qui s’implantent ici considèrent Dubaï comme un point cardinal, un centre d’affaires, et non un bassin commercial.

À partir de Dubaï, les entreprises peuvent aisément desservir une clientèle asiatique, européenne et même nord-américaine. Dans mes discussions avec des dirigeants d’entreprises canadiennes, certains considèrent a priori Dubaï comme un marché local. Au contraire, c’est un immense centre d’opérations financières, commerciales et industrielles. C’est même un vaste entrepôt en zone franche qui permet d’entreposer des marchandises destinées aux quatre coins du monde, en utilisant les installations aéroportuaires et maritimes à la fine pointe de la technologie.