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La Chine et le Brésil, géants d’aujourd’hui et de demain : entretien avec Daniel Nadeau, de Soprema Canada

Entretien avec Daniel Nadeau, directeur des affaires à Soprema Canada

Soprema en bref : Soprema est une entreprise manufacturière d’envergure internationale spécialisée dans la fabrication de produits et de revêtements d’étanchéité pour la construction et le génie civil. Implantée dans plus de 90 pays, la maison-mère est établie à Strasbourg, en France, depuis 1908 et est présente au Canada depuis 1978.

 

Quel rôle avez-vous joué dans l’implantation des filiales brésiliennes et chinoises de Soprema?

Je suis entré à Soprema en 2010. Au Brésil, on a débuté en 2011 les recherches d’implantation. En 2012, on a commencé l’ouverture, et en 2013, on a eu nos documents pour que l’antenne SOPREMA Do Brasil soit fonctionnelle.

Pour la Chine, tout a débuté avec SOPREMA Strasbourg, le siège français. En 1999, l’entreprise a trouvé un bon client chinois. Mais en 2004, Soprema Strasbourg ne faisait plus de développement intéressant, c’est donc Soprema Canada qui a pris le relais. En 2005, on a fait l’embauche d’un directeur chinois qui faisait ses études à Vancouver, et l’ouverture a eu lieu en 2006. Soprema Canada a été également à l’origine de l’ouverture de filiales en Australie, à Singapour, ainsi qu’au Moyen-Orient.

Quel intérêt représentait le marché brésilien pour Soprema ?

L’intérêt était de développer l’Amérique du Sud, qui était pour nous une priorité. Parmi les pays la composant, on recherchait la zone la plus peuplée, présentant un potentiel élevé. Le Brésil était parfait selon nous car il donnait également de bonnes garanties de paiement pour nos produits. On souhaite continuer de se développer en Amérique du Sud et nous survolons actuellement d’autres pays, comme l’Argentine, le Chili. La Colombie semble également très intéressante, le Pérou également. On vend déjà dans ces pays, mais à l’avenir, s’implanter serait, je le pense, une bonne stratégie.

Et concernant la Chine ?

C’est un marché qui est pour nous immense, et il fallait donc prendre en compte cela. Mais cela a été très difficile. Le prix de nos produits nécessitait, pour que nous arrivions à être rentables, de trouver une niche. Cela été chose faite en traitant avec des compagnies internationales comme FIAT, par exemple. Depuis quelques années, le volume est intéressant.

On est désormais arrivés à une autre étape : celle où il devient nécessaire de produire localement pour être plus flexible sur les délais et les produits. Notre président nous a donné son aval pour rechercher un endroit propice à l’implantation d’une usine. Même si on conserve quelques craintes, on est mieux préparés que par le passé, car on connaît les délais d’obtention des permis. Le terrain étant possédé par le gouvernement, on ne peut que le louer pour trente ou quarante ans, et non l’acheter, et cela doit être pris en compte. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le contrôle de la qualité doit aussi être multiplié par deux, en comparaison avec le Québec.

Est-ce que l’expérience de l’ouverture au Brésil s’est avérée plus simple ?

La bureaucratie brésilienne n’a rien à envier à celle de la Chine, elles sont toutes deux donc beaucoup plus lourdes qu’au Canada. Mais l’expérience chinoise nous a aidé. On a agi à peu près de la même façon. On a cependant eu beaucoup de surprises au Brésil. Après cinq mois, on pensait que tous les aspects seraient réglés mais cela a duré un an. Et on est encore en processus actuellement pour pouvoir avoir le « radar illimité » qui nous permettra d’ importer sur place un montant illimité de marchandises au Brésil. L’importation aux douanes de nos produits nous surprend toujours également. Certaines fois, un produit met 10 jours à nous parvenir, mais lors d’une autre importation du même produit, il peut être retenu aux douanes durant trois mois. Malgré quelques péripéties, nous sommes passés au travers.

Notre antenne brésilienne est pour l’instant de moindre importance que celle en Chine, mais d’ici un an ou deux, l’analyse devrait être en place pour évaluer l’ouverture d’une usine. Même si les affaires ne se développent pas autant que l’on pensait, c’est en bonne voie néanmoins.

Comment aviez-vous envisagé au départ la stratégie en Chine ?

Notre premier client chinois faisait affaire depuis 1999 avec nous. On a décidé de se développer au départ en travaillant avec les entreprises gouvernementales, notamment les couvertures des entreprises de tabac, pour l’échantéité. Dans un deuxième temps, on a profité de nos contacts gouvernementaux, afin d’obtenir obtenir des contrats pour réaliser l’étanchéité des ponts. Au début, tout cela était un peu lent, mais après les contrats des ponts, tout s’est accéléré. Point négatif néanmoins, le gouvernement retenait souvent le paiement durant une longue période, on a donc du renégocier pour avoir des termes de paiement plus courts.

Désormais, on a compris la façon de faire des affaires du gouvernement communiste. On a même la côte avec eux, et ils nous proposent des projets très intéressants, même si on a pu penser que c’était une erreur de commencer les affaires ici par le gouvernement. Désormais, on est à Shanghai, à Beijing, on regarde aussi Guangzhou, chaque région chinoise nous propose des opportunités.

Pour le Brésil, suite à l’expérience chinoise, et en considérant l’influence moindre du gouvernement dans ce pays, on a tout de suite débuté avec les entreprises internationales, qui nous donnent plus de facilités. Nos ventes ont débuté plus rapidement qu’avec la Chine.

Quelles différences culturelles avez-vous pu observer dans la façon de faire des affaires ?

Les gens au Brésil ont besoin de relations plus chaleureuses, et ont des normes culturelles plus proches de nous. La chaleur humaine, la connaissance de la famille compte beaucoup. En Chine, le parti est omniprésent, il y a donc un nombre de soirées gouvernementales où l’on se doit d’être présent, un protocole lourd, et certains non-dits dont il faut aviser avec les interlocuteurs avant une réunion importante. Néanmoins, la chaleur humaine est également présente en Chine, mais il faut intégrer le code chinois.

Êtes-vous considérée comme une entreprise française dont la filiale est basée au Québec, ou une société québécoise quand vous faites des affaires en Chine ?

Prioritairement, on met en avant l’aspect canadien, souvent valorisé. Par exemple, en Chine, Normand Béthune, ontarien d’origine, est très connu (il y a des timbres postes chinois à son effigie). Il a été médecin dans les années 30 pour aider les chinois contre les japonais. La Chine en a fait un récipiendaire d’une médaille de médecine, ce qui fait que l’on est percus comme des missionnaires du Canada. Nous avons été comparés à cet illustre personnage lorsque l’on a lancé un centre d’excellence sur l’étanchéité en Chine, ce qui a été très valorisant. Au Brésil également, on a tendance à mettre en avant l’aspect canadien.

Quel est le conseil que vous donneriez à une entreprise qui souhaiterait s’implanter dans ces deux pays ?

En premier lieu, trouver un bon partenaire local, un client, un distributeur, un agent ou même un employé. Puis, la recette, c’est de s’intéresser sincèrement au pays-cible. Il faut y aller , ne pas faire de la vente à partir de Drummondville, par exemple. Tous les 3-4 mois minimum, il faut passer une semaine avec eux, comprendre leur fonctionnement. Après un an, si le produit est bon et l’agent efficace, des transactions émergeront naturellement.

Par la suite, il est nécessaire de s’entourer de gens aidants, des commissaires, le gouvernement du Québec, ou Expansion Québec par exemple. Mais il faut que l’initiative parte de nous, et non d’agents extérieurs pour s’implanter. Et je dirais qu’il faut éviter à tout prix d’ aller dans le pays-cible pour faire une vente à tout prix, sans condition, et être prêt à dire oui à tout. Ce n’est pas la bonne solution. L’international est le futur de nos générations, alors je pense que ça vaut la peine de prendre le temps de s’intéresser au pays sur le long terme pour l’intégrer vraiment.

Ressentez vous actuellement une fibre plus internationalisante chez les entreprises du Québec ?

Oui, absolument,car le marché est petit ici. Au niveau du QG 100, on le voit, il y a une volonté d’augmenter les échanges, et d’aller plus loin que l’exportation simple. Il y a l’idée d’aller vers le développement. Je souhaite développer le pays-cible, tout en vendant pour le Canada, et en soi, c’est très beau. Il faut donc trouver le pont idéal.